L’argent ! On dit que c’est lui qui fait le monde de nos jours ! Certains naissent en nageant dedans, d’autres n’en sentiront jamais l’odeur. D’autres encore courent après toute leur vie sans jamais en profiter ! Et le musulman dans tout cela ? Echappe-t-il à l’attraction irrésistible qu’exerce l’argent sur la plupart des hommes ?
Les textes à ce sujet sont nombreux et bien souvent, ils mettent en garde les hommes contre l’attachement au bas-monde et l’amour de ce qu’il renferme comme richesses et prônent les mérites de l’ascétisme. Alors, devons-nous tous mener une vie de privation et de renoncement pour satisfaire notre Seigneur ?
Il me semble que, bien que l’ascétisme soit une des hautes stations spirituelles du cheminement vers Allah le Très Élevé, le musulman se doit d’être modéré dans son rapport à l’argent et d’adopter à son égard une position intermédiaire entre l’amour inconditionné et le rejet total. Pour se faire, il doit le considérer pour ce qu’il est vraiment. Allah dit dans le Coran : « L’argent et les enfants sont l’ornement de la vie d’ici-bas. Cependant, les bonnes œuvres qui perdurent ont auprès de ton Seigneur une meilleure récompense et suscitent une plus belle espérance. »
Ainsi l’argent est un moyen d’agrémenter notre vie quotidienne et nul mal à cela. Néanmoins, Allah nous rappelle que le bas monde ne doit jamais nous faire oublier la vie future et que l’ornement de cette vie ne doit pas nous préoccuper plus que l’ornement de notre demeure dernière qui se fait par les bonnes œuvres.
Allah nous met en garde contre l’amour excessif des richesses : « L’amassement des richesses ne cessera de vous distraire que lorsque vous visiterez vos tombes ! » Le Prophète sws souligne même que cette soif insatiable peut mener l’être humain à l’aliénation lorsqu’il déclare « Malheur à l’esclave du dinar et du dirham ! »
Il avait même l’habitude de supplier Allah de le préserver lui et ses compagnons de ce mal en clôturant ses assemblées par cette invocation : « O Allah ne fais pas du bas-monde notre plus grande préoccupation ni notre seul domaine de compétence ! »
Toutefois, si l’argent ne doit pas être notre première préoccupation, nous ne pouvons pas le bannir de notre vie car nous avons des besoins matériels que seul l’argent permet de combler.
De plus, l’argent est un « rizq », une subsistance qui vient d’Allah, Il comble qui Il veut par Ses faveurs. Ce qui importe donc c’est de se montrer reconnaissant lorsque ces faveurs nous touchent et patient dans le cas contraire afin de ne pas être de ceux que le Prophète sws a maudits « Maudit soit l’esclave du dinar, du dirham et des belles parures. S’il reçoit il est satisfait et s’il ne reçoit pas il est mécontent. »
Les grands compagnons ont eux-mêmes connu des périodes fastes. Sous le califat d’Omar ibn Al-Khattab, Bayt-al-Mal, l’endroit où se trouvait le trésor public débordait et on ne trouvait plus de pauvres à qui faire l’aumône. Aicha nous parle de cette époque à travers cette anecdote : « Je vis un jour ma servante dans un corset, raconte-t-elle. J’en portais un semblable pour mon mariage (du temps ou Abou Bakr était un riche commerçant de la Mecque) et toutes les femmes de Médine venaient me l’emprunter pour leurs noces. Et aujourd’hui ma servante répugne à le porter ! » Toutes les couches de la société furent touchées par cet enrichissement et nul n’en fut lésé. Car nul ne laissa ces richesses gagner une place trop grande dans leur cœur. Chacun se rappelait la mise en garde du Prophète sws : « Ce n’est pas la pauvreté que je redoute pour vous mais c’est que le bas monde vous soit offert comme il fut offert aux nations qui vous ont précédés et que vous vous disputiez ses richesses comme elles se les sont disputées et qu’il vous anéantisse comme il les a anéantis. » Si l’on n’y prend pas garde, l’amour excessif des richesses mènent à bien des maux tels que l’avarice, l’envie, la haine, la division.
Gardons à l’esprit la parole du Prophète sws « Le serviteur n’avancera pas d’un pas [le jour du Jugement] avant d’être interrogé sur quatre choses : sa vie et ce qu’il en a fait ; son savoir et ce qu’il en a fait ; son argent : comment il l’a obtenu et comment il l’a dépensé et son corps et ce qu’il en a fait. » Nous serons donc interrogés pour chaque centime amassé ! Cela peut faire peur mais cela doit aussi susciter de l’espoir ! Chaque centime gagné est une opportunité pour nous d’alourdir nos balances. Chaque centime qui rentre peut potentiellement ressortir sous forme d’aumône. Voilà pourquoi les pauvres parmi les compagnons enviaient la condition des riches à l’époque du Prophète sws, non pas pour leur mode de vie mais pour les récompenses que leur argent leur permettait d’acquérir. Certains s’étaient plaints à lui sws : «O Envoyé de Dieu, les gens les plus riches ont accaparé les récompenses, ils prient comme nous, jeûnent comme nous, de plus ils font l’aumône avec le surplus de leurs richesses». Il répondit: «Comment Allâh ne vous a pas donné de quoi faire L’aumône? Dire ‹subhana Allâh› (Gloire à Dieu) c’est une aumône, ‹Allâhu akbar› (Dieu est Grand), c’est une aumône aussi, et de même: ‹alhamduli LLâh› (Louanges à Dieu), ‹la ilaha illa Allâh› (Il n’y a d’autre divinité qu’Allâh) Chaque fois que vous ordonnez le bien, c’est une aumône, et chaque fois que vous défendez le mal, c’est une aumône. Chaque fois que vous faites œuvre de chair, vous faites une aumône». Ils s’écrièrent alors : «Comment, chacun de nous satisferait ses appétits charnels et mériterait par là une rétribution?» Il répondit : «Voyons, celui qui assouvit ses appétits de façons illicite, ne se charge-t-il pas d’un péché? De même celui qui les satisfait de façon licite, obtient une rétribution». Apres quelques temps, ils revinrent trouver le Prophète sws et dirent : « Nos frères fortunés ont appris ce que nous faisions et se sont mis à faire de même. » « C’est là la Grace d’Allah, répondit-il, Il l’attribue à qui Il veut. »[1]
En résumé, le musulman ne peut se détacher totalement de l’argent car il est pour lui un moyen de subvenir à ses besoins vitaux et d’agrémenter son quotidien. Il doit faire preuve de patience lorsqu’il en est privé et de reconnaissance lorsqu’il s’en voit octroyer. Il se doit de l’aimer non pas pour ce qu’il est mais pour ce qu’il représente comme capital- bonnes œuvres !
[1] Sourate La caverne, verset 46.
[2] Sourate La Course aux richesses, versets 1 et 2.
[3] Hadith authentique, rapporté par Al-Boukhary.
[4] Hadith hassan, rapporté par At-Tirmidhy.
[5] Hadith authentique, rapporte par Al-Boukhary et Mouslim.
[6] Hadith authentique, rapporté par Al-Boukhary et Mouslim.
Hamayssim