Après la nouvelle annoncée par le biais d’un communiqué de presse de la Rédaction d’Ahly magazine de se retirer des kiosques, l’incompréhension fut totale. Comment un magazine qui s’est battu, qui est passé par une campagne de crowdfunding magnifiquement présentée et surtout réussie, a pu au bout de 2 ans et demi faire le choix de se retirer des kiosques? Busi#Muz a cherché à comprendre. Voici les réponses de la Directrice de Publication Amel Rachem.
Mme Rachem, vous êtes la fondatrice et directrice de publication d’Ahly Magazine. Nous venons d’apprendre le retrait du seul magazine musulman des kiosques, que s’est-il passé ?
En effet, depuis le numéro qui vient de paraître en septembre 2015, nous avons pris la décision de nous retirer des marchands de presse en France. Malgré l’engouement de nos lecteurs, il nous paraissait difficile de maintenir notre publication en kiosque.
Nous nous sommes rendus compte que chez de nombreux marchands, le magazine n’était pas en rayon ou bien n’était pas dans le bon rayon. De plus, plusieurs lecteurs nous ont fait état de cette remarque ne le trouvant pas dans des points de vente pourtant servis !
Cette décision a-t-elle été difficile à prendre? A-t-elle eu des conséquences comme des licenciements?
Oui c’est une décision difficile à prendre car être en kiosque a malgré tout permis de toucher un public n’allant pas à la librairie musulmane. Nous avons pour anecdote un vieux monsieur non-musulman qui s’est abonné et nous a envoyé un courrier expliquant sa démarche de connaître encore mieux l’islam et les musulmans…
Nous n’avons licencié personne mais nous avons une facture à régler au distributeur.
Pensez-vous avoir été victime d’une quelconque discrimination ?
Dans certains points de vente nous avons clairement été victime de discrimination, certains vendeurs (juste salariés) nous ont confirmé que le « patron » ne mettait pas les magazines musulmans en linéaire (ahly magazine et la revue Noor de Malek Chebel). Malgré notre insistance de les mettre en rayon, les gestionnaires en question sont restés sur leur position en enfreignant la loi.
Comment expliquez-vous alors le succès de magazines tels que Gazelle, Ebène (magazine afro) qui eux sont visibles en rayon?
Les magazines ethniques ont un réel succès, nous pourrions en espérer de même pour Ahly au sein d’un réseau de distribution nationale. Ces magazines sont présents depuis des années voire des décennies pour certains et ont pu faire leur place. Je sais aussi qu’ils ont vécu dans leur début les mêmes déboires que nous, seulement n’ayant pas un budget comme le leur nous n’avons pu tenir assez longtemps. De plus, notre tirage moyen étant assez modeste nous n’avions pas de moyen de pression auprès de notre distributeur pour que les marchands suivent nos directives.
Sachez aussi que plusieurs magazines musulmans ont essayé d’être en kiosque et ont du vivre le même sort que nous : Hawa Magazine il y a plus de 10 ans et Hallal Magazine.
Pouvez-vous nous expliquez le fonctionnement? Qui décide du nombre d’exemplaires à distribuer? Qui vous les achètent? Que font-ils des invendus?
Le fonctionnement paraît assez simple, chaque éditeur décide de tout dans la théorie, mais dans la réalité, bon nombre de prestataires ne suivent pas nos recommandations : par exemple mettre Ahly dans un bar tabac dans un village où la communauté musulmane est quasi nulle n’a aucun intérêt et pourtant ça arrive !
Le nombre d’exemplaire distribué est décidé par le magazine, c’est-à-dire la rédaction, nous ! Ils sont mis en rayon dans un nombre de points de vente en France. Certains points de vente sont directement servis par le distributeur donc nous gérons bien les stocks pour ceux-ci, et d’autres ne sont servis que par un distributeur départemental qui lui ne suit aucunement nos instructions malgré nos relances. En effet, les ventes d’Ahly Magazine fonctionnaient très bien en supermarchés (Leclerc, Carrefour, Auchan).
Qu’en-est il de la survie de Ahly? Le magazine est-il en danger?
Ahly Magazine continue d’être publié et continuera d’exister. Notre magazine n’est pas en danger mais la distribution a un coût, malgré la non mise en linéaire (donc impossible de vendre un produit non mis en vente) nous devons payer cette prestation.
Comment la Oumma peut-elle vous aider concrètement?
La oumma doit prendre conscience de l’importance de nos médias web et papiers. Nous devons nous renforcer sur plusieurs plans : économique et médiatique (ainsi nous aurons un réel poids politique). Cela passe simplement par le soutien financier : soit en s’abonnant au magazine si vous êtes un particulier soit en étant annonceur si vous êtes entrepreneur ! Il ne suffit pas juste de soutenir pour soutenir, notre magazine a pour ambition d’être une référence incontournable pour les familles musulmanes francophones. Nous avons un contenu riche donc chacun peut en avoir besoin à un moment de sa vie.
Pensez-vous que les musulmans, premiers concernés, ne se bougent pas assez?
Alors je pense que les musulmans sont sur-sollicités et ne savent peut-être plus où donner de la tête. Aussi, la question de la lecture est cruciale. Il faut donner une réelle importance à cela. Enfin, il ne faut pas se contenter de « googliser » et rechercher des réponses pas toujours adaptées mais rechercher la science utile dans des ouvrages écrits pas des spécialistes.
Quel est votre état d’esprit aujourd’hui? Êtes-vous en colère?
Je suis assez déçue de voir la France si islamophobe, je savais qu’on rencontrerai ces problématiques mais pas à ce point. Je ne suis pas en colère juste triste de voir ma douce France dans cet état…
Que peut-on vous souhaiter?
Une longue vie à ahly, car cela fait 2 ans et demi que nous existons et nous souhaitons tenir le plus longtemps possible, au-delà de nos prédécesseurs tels que la revue Médina, Hawa et bien d’autres…
Ahly doit devenir le magazine de chacun !
Soyez solidaire, ayez une conscience musulmane, agissez pour notre magazine, abonnez-vous ou distribuez-le!
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Toutes les actu à suivre sur www.busimuz.com
Abir Nakad